Avril

Samedi 1er avril

Ambiance raide !
Déterrer le palmipède boiteux ou s’envoler à la nageoire d’une arête nauséabonde ? L’occasion de renouer avec la charge encrée en ces jours pseudo prérévolutionnaires.
Avant de débarquer au Red Lions, encore non fréquenté en 2006, vu avec ma Blandine Les détectives de l’histoire : objectif de remuer la matière encombrante d’un passé collectif mal assumé. Pour ce premier charcutage, la polémique prise de pouvoir du grand Charles. L’exception du personnage réifie les volutes soupçonneuses sur la légalité de l’accoucheur de la Ve.
Sur Way Come From, divinement vocalisé par Brigitte, je dérive du majestueux Général au dégingandé Chirac, m’effondrant pour entrevoir une quelconque cohérence dans le passage prédémentiel de l’exécuteur en chef de notre Constitution. Sa dernière trouvaille institutionnelle après la dissolution suicidaire de 1997 : la promulgation fantôme ! Pour tenter la conciliation suprême des belliqueux de tous bords et ne pas s’écarter de son rôle premier en matière législative, il exécute tortueusement son devoir, botte l’arrière train de son fidèle de Villepin et gratifie l’opportuniste Sarkozy d’une reprise cautionnée d’initiative.
« Surréaliste » pour le littéraire Bayrou qui reprend les fondamentaux, Robert à l’appui, de la notion de promulgation, laquelle implique l’application immédiate. Mitterrand, l’histrion du faux attentat, déblatérait sur Le Coup d’Etat permanent du chef historique de la France libre ; la première décennie du siècle se sera avachie dans les à-coups du fat déprimant. Le cap du chef de gouvernement vient d’être amputé de sa superbe, dans un galimatias tarte à la crème.
Désormais, les boulevards s’offrent aux barbares à capuches, agités ultraviolents à éradiquer sans ménagement. Voilà une légitime cible à haïr pour la masse mobilisée, au lieu et place des rengaines de frileux. Aspiration des manifestants : le fonctionnariat, une stabilité ouatée par la ceinture, les bretelles et le parachute, le tout sur un matelas de têtes capitalistes fraîchement tranchées…
A l’époque sempiternelle où le sacré ensanglante à tout va, les paumés du pavé s’acharnent contre l’élémentaire liberté d’entreprise, clouant au pilori, par préjugé idéologique, toute tentative pragmatique. L’effet panurge du désespoir cultivé fait le reste. Quelques écarts ludiques entretiennent la distance d’avec la fosse commune, celle qu’un chanteur de bon aloi voit se remplir dangereusement de purin.
Pour le reste, le folklore des défilés, de l’illégitime coup de force sur asphalte, avec ses queues de cortège réservées aux vandales terriblement efficaces pour le fracassement en règle.
Les hurlements pour une opposition frontale, avec une énième constitution en prime, négligent le défaitisme des troupes. Le mal profond ne se contentera pas d’une substitution de texte, tout fondateur qu’il soit.

Jeudi 6 avril, 23h15
Mine émaciée et teint moins bronzé qu’à l’habitude, le Premier ministre affronte la période des affres avant la démission probable. Encore une réforme sacrifiée pour la minorité hurlante. Sombrant dans l’irrationnel nuisible, certains manifestants réclament également le « retrait » du CNE (retenu, depuis sa promulgation, par quatre cent six mille contrats de travail) et même le « retrait » de la loi sur l’égalité des chances, ce qui suppose une volonté d’empêcher l’extension des zones franches.

Mardi 11 avril

Un panache... de vile fin
En tas fumant le panache du Premier ministre. Avoir cédé à la montée en puissance moutonnière d’une minorité agissante, sans en tirer effectivement les conséquences personnelles, confirme sa filiation politique : aux antipodes de l’esprit gaulliste et bien ancrée dans la pratique chiraquienne du pouvoir. Les manettes de l’exécutif aux pinces de crustacés indélogeables, mais sans détermination réelle et à la logique gestionnaire bien fluctuante.
Facile, sans doute, d’achever ce diplomate « saponifiant » à terre, mais, à la différence des charognards du pavé et de quelques feuilles, je soutenais son projet. C’est l’abandon de sa ligne, après une promulgation fantoche (pour l’article huit seulement, mais capitalement !) qui navre et désespère de ce pays.
Dans sa méthode Coué déclinée devant un Poivre d’Arvor presque compatissant, il a terminé sur une piste de réforme des universités. Une
façon d’afficher qu’il persiste dans sa lancée, mais une idée suicidaire qu’il devrait se garder de mettre en œuvre. Les Devaquet, Juppé, Ferry, Fillon and Cie ont connu à leurs dépens les charnières minées des terrains de l’enseignement et de la jeunesse.
Qu’il demeure accroché à son rocher Matignon sans vagues faire, en espérant que la dextérité de la population à oublier lui redonne un peu du panache passé.
Quant au pays, il est entre les mains de syndicats statistiquement non représentatifs, de quelques cohortes bruyantes et représentatives que d’elles-mêmes – soit moins de 5% des Français, en retenant les chiffres les plus optimistes – le tout sous le regard gourmand d’une opposition qui se dispense ainsi de tout programme de rechange, profitant de facto du chaos puis de l’enlisement national. Bravo les artistes ! Tristes pitres…

Jeudi 13 avril, 0h30
De retour d’une ‘tite toile avec ma BB : le duo Fabrice-Johnny divertit sans peine, en ajoutant une réflexion sur le destin de chacun.
Chacun se forge, mais se marque aussi d’un alentour déterminant. Evitons le philo de zinc… mais je songe tout de même à cette chère Cécile Marchand qui a tenu bon sa barre artistique et qui est parvenue à ses objectifs, alors que j’ai moi renoncé à toute trajectoire artistique publique réelle. Mon illusoire soupirail vers un lectorat se limite à un Blog nourri sporadiquement. Pas désespéré pour cela, pourtant. L’aune assumée me convient, en fait. Cet anonymat m’affranchit de toute chapelle : en ces temps de suivisme idéologique, peut-être une voie à préserver.
Un ton journalistique accrocheur, Le Journal du monde de Vincent Hervouët, sur LCI, relativise les drames hexagonaux. Entre une population du Népal martyrisée par le pouvoir en place, un Tchad au bord de la guerre civile, un Iran qui nargue la communauté internationale en misant sur le nucléaire militaire via le civil, les attentats sanglants en Afghanistan, au Pakistan et en Irak, la Palestine prise à la gorge par l’armée israélienne…

Mercredi 19 avril

Lorgnette en fête !
Première journée de 2006 à prendre le soleil au parc de la tête d’Or, en lisière de la roseraie, là où quelques bancs s’offrent dans un cocon vert. Torse nu défendu à l’instant par deux limités de la police municipale, aux aguets pour exercer leurs petits pouvoirs. Sept ans que je fréquente ce lieu, et me voilà prié de remettre le tee-shirt, sans doute pour ne pas troubler la vieille dame qui passe.
Argument avancé par les képis frustrés : on n’est pas à Miribel Jonage : effectivement, je n’ai ni mon maillot de bain, ni mes saucisses puantes à frire, ni mes gueulantes de braillards… juste un torse encore potable.
Voilà le type d’excès bêtifiants d’un ordre public où l’on s’aplatit devant des barbares-casseurs déchaînés, et où le citoyen calme et respectueux d’autrui se fait emmerder par ces représentants de l’action incohérente.
Avant ce petit accroc dans ma sérénité pré estivale, j’observais, sur le banc connexe, un couple âgé en différend à chaque amorce d’échanges. Une femme aboyeuse, un bougre encaissant par bougonnements imprécis : calamiteuse représentation de la dualité.
(...)
Le sacré Sting vient encore une fois de m’échapper. Annoncé en concert aux Nuits de Fourvière, je me présente, naïf, confiant, à un point de vente Fnac : plus rien depuis belle lurette, toutes les places arrachées en trois jours.
En revanche, je ne suis pas encore décidé pour Al Jarreau (qui passe fin juin à la nouvelle Salle 3000 sise à la Cité internationale) qui tarde à écouler ses emplacements à tarifs variables, mais un peu trop gonflés à mon goût. Les passions passent.
Zappant sur la FM parmi la vingtaine de stations préréglées : le 96.1 me dévoile en chocs rythmiques bien assénés une des perles singuées de la Diams revendiquée Boulette. Boule d’énergie ciselée, même si le contenu me partage. « Pas l’école qui nous a dicté nos codes ! » : à cent pour cent pour le fond, mais aux antipodes pour les choix. Le firmament (limité) du rap français accueille en tout cas un joyau créatif.

Vendredi 21 avril, 0h30
De retour du complexe UGC Ciné Cité, après avoir dévoré le déjanté Enfermé dehors avec l’inclassable Dupontel. Un conte de fées SDF, à la sauce électrique des guitares, qui vous transporte parfois jusqu’à l’absurde qu’engendrerait un bon sniff de colle.
Autre découverte de la journée : en cherchant quelques photos pour illustrer novembre 1991 de mon Journal pamphlétaire mis sur Blog, je tape « château d’O » et tombe sur de nombreuses représentations du lieu, avec même un site commercial qui lui est consacré. Les propriétaires l’ont converti en résidence hôtelière de luxe avec piscines intérieure et extérieure. Je retrouve les vues du château et du parc presque à l’image de l’univers de mon enfance préadolescente. Quel vertige à songer au gouffre de temps écoulé depuis la dernière fois où j’ai dormi dans sa chambre principale de l’aile gauche. Quinze années pour retrouver une demeure et un parc privés de la féerie que nous lui avions insufflée. Plus rien de nos jeux, de nos tâches quotidiennes, de nos promenades enivrantes… cette ribambelle d’instants exaltés qui ont définitivement perdu leur ancrage pour ne plus pouvoir que vaguement s’accrocher à quelque mémoire fragile.
Même tristesse en voyant une photo récente de Hermione, figurant sur son site, qui dénature l’image qui m’était restée d’elle. Moi-même je ne dois pas être très aux normes de l’évolution que certains attendaient. Alors relativisons… toujours.

Samedi 22 avril
Attendant que ma BB ait achevé sa première manche de Pinball, jeu de flippers sur Microsoft XP, je poursuis ce grattage.
Le week-end du 8 mai, passage au château d’Au pour quelques moments affectifs avec Heïm.

Lundi 24 avril, 23h35

Humanité bas perchée
Diffusion par Arte du Cauchemar de Darwin de Hubert Sauper, dont je n’avais suivi que de loin les polémiques attenantes. Ce documentaire sans complaisance, un peu à la façon des instantanés de l’émission Strip-tease qui rapportait sans commenter des tranches de vie, nous révèle l’Afrique telle qu’elle est et meurt aujourd’hui. Non que je ne sache rien des fléaux et exploitations acharnées du continent par les colonisateurs économiques, avant d’avoir découvert ce chef d’œuvre réaliste ; mais l’incisive démonstration des images, l’authenticité des autochtones, les contrastes de situation vous prennent à la gorge, rendant presque honteux d’appartenir au même coin géographique que les exploiteurs des lieux.
Des images en vrac me reviennent : ces enfants des rues se battant comme une meute affamée autour d’une écuelle de riz ; cette femme mettant à sécher les restes (têtes et arêtes) de perches en repoussant les vers qui ont investi les plus anciens jonchant le sol ; ce gardien de l’Institut national des pêcheries qui espère la guerre en Tanzanie et son engagement à tuer pour régler ses problèmes de survie ; cette Héloïse, prostituée aux yeux de chat, qui chantonne en douceur devant la caméra de Sauper, victime quelques semaines plus tard du défoulement meurtrier d’un barbare australien ; cette femme morte-vivante, atteinte par le Sida et qui
parvient, dans un souffle de voix désespéré, à révéler qu’elle ne peut plus se nourrir… Galerie éperdue de ces sacrifiés pour l’opulence préservée des potentats du régime, des quelques gros bonnets de pays riches (l’Europe en tête) impliqués dans le pillage légalisé, et finalement pour maintenir le déséquilibre mondial en notre faveur.
La perche du lac Victoria comme parangon d’une ignoble manière d’exploiter l’Afrique en lieu et place du peuple africain. Ne nous leurrons pas de naïveté, toutefois : si notre continent avait été le point faible à dépouiller, les autres coins du monde (y compris le continent noir) se précipiteraient comme autant de charognards gourmands. Le vice du système tient à une humanité indigne qui ne respecte que la loi du plus fort, sous d’hypocrites révérences à la légalité affichée.

Mardi 25 avril
L’appât des ressources naturelles s’est substitué aux visées territoriales. La raréfaction de certaines, l’énormité des besoins de pays s’ajoutant aux développés historiques (arque boutés sur la préservation de leurs privilèges) risquent d’engendrer l’éclosion de guerres étatiques, au moment où la conscience collective sera obnubilée par le combat contre l’hyperterrorisme. Quel pays (Etats-Unis compris) aurait aujourd’hui la volonté et les moyens financiers de combattre les ambitions belliqueuses d’une puissance moyenne ? Exaspération et crainte devraient être confirmées par des illégalités en chaîne.
Le chef de l’Etat iranien le saisit peu à peu. L’antique désir perse de s’étendre sur le monde arabe, via les Chiites, n’a pas encore émergé dans ses discours. L’urgence dialectique se résume à la haine d’Israël, jusqu’au boutisme d’un discours qui vise tant la scène internationale qu’une tactique politique intérieure. Hier, trois attentats de plus en Egypte qui paye là encore sa modération dans la problématique israélo-palestinienne. Si les Frères musulmans parvenaient au pouvoir, par les voies démocratiques, c’en serait fini de l’ère Sadate.
En bref pour mes affaires intérieures : passage des parents B en fin de semaine avant qu’ils rejoignent leur cadeau des quarante ans (un séjour d’une semaine dans les Pyrénées) ; semaine prochaine en vacances avec passage à Fontès, puis séjour éclair au château d’Au avant le retour à Lyon. Le lundi 8 mai au soir, entrevue espérée avec Cécile M, pour un résumé réciproque de presque vingt ans d’existence. Tournis du temps qui nous rapproche de la fosse.
A Cqfd, un été qui s’annonce chargé en formations financées par la région, ce qui suppose la bonne santé financière de notre structure… (...)
Les vacances d’été se répartiront en quinze jours à cheval sur juillet et août et une semaine début septembre. Quelques ponts et jours fériés pour compléter. Voilà un compte rendu salarial, mais sans jamais oublier ma connaissance de la situation d’employeur, ce qui m’évite les travers revendicatifs de la masse des travailleurs. Le confort psychologique de ma situation, même modestement rémunérée, m’incline à une réserve respectueuse des portefaix de la responsabilité structurelle.

Dimanche 30 avril
Contes sur Clearstream
Une bien morose fête du travail pour le Premier ministre. La campagne de presse qui se déchaîne contre lui dans cette affaire corbeautée lui laisse une terne alternative : admettre et se démettre en forme de Waterloo personnel, ou nier et s’accrocher dans la minable tradition des bigorneaux politiques.
Curieusement, le gros des éditorialistes limite sa verve à l’échevelé dépité sans redoubler la charge contre son chef qui, selon les déclarations du général Rondot, serait la source originelle du déclenchement de l’enquête dans l’ombre réclamée contre le gêneur Sarkozy.
Voilà du lourd : la sphère opaque du Renseignement, jusqu’alors évanescence muette pour le commun des mortels, se risque à l’opération Portes ouvertes… aux scandales.
Des éléments nous échappent certainement, mais la pointe de l’iceberg suffit à entretenir la nausée qui s’installe chez tout observateur affûté des miasmes gouvernementaux et présidentiels. Des ficelles bien grosses dans cette tentative d’éliminer, dès 2004, celui qui se posait en rival bien rasé du vieillissant Chirac. Une seule question capitale subsiste : qui est le corbeau et peut-être, surtout, qui lui a suggéré l’envoi de cette liste grossièrement falsifiée ?
La version fade serait un coup des chiraquiens. Beaucoup plus machiavélique, rappelant les arcanes du faux attentat de l’Observatoire contre Mitterrand, serait l’approche du « faites-en sorte qu’il ait l’impression que l’idée vienne de lui » (principe du manipulateur manipulé dans L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi).
Imaginons que le corbeau soit effectivement un sbire chiraquien approché par un occulte sarkozyste non déclaré qui, par talent rhétorique, l’amène à avoir l’idée de liste trafiquée (en l’élargissant à d’autres personnalités pour qu’elle paraisse plus crédible, moins focalisée). L’objectif des créateurs du corbeau est de lui faire lancer un appât auquel les Villepin-Chirac, en quête d’une voie pour neutraliser le Sarkozy, pourraient mordre, préparant ainsi, sans s’en douter, leur fatal discrédit. Ajoutons à cette hypothèse quelques autres contacts clandestins pour que la supercherie se révèle au moment opportun : voilà qui relèverait de la magnifique salauderie. A moins qu’un royaliste underground (dévoué non à la couronne, mais à la Ségolène) soit la clé de cette fumeuse affaire selon, grosso modo, la même stratégie de fond (ce qui expliquerait la présence de DSK sur la liste explosive).
A moins qu’une inavouable alliance d’adversaires ait eu pour impératif d’évacuer un ennemi commun…
Tout cela ? Sans doute des contes pour contempteur du ruisseau bourbeux dans lequel pataugent quelques gouvernants…

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