Octobre

Dimanche 1er octobre, 23h
Temps de reprendre la plume avant une lourde semaine d’activité. Le travailleur de base que je suis doit gagner sa croûte et mettre en berne ses aspirations artistiques, comme la grande masse des êtres. Que j’en fasse partie, soit, mais je ne m’y complais point et je resterai toujours à l’écart des revendicateurs revanchards du bas peuple.
En haut du gratin, les ténors politiques affûtent leurs armes, graissent leur artillerie pour répondre, le moment venu, aux assauts alentour. Chez les socialistes, le névrotique Jospin s’en est finalement allé avec les feuilles mortes, après une rude prise de conscience de l’inanité de son retour. Celui qui se voulait l’homme providentiel de la gauche n’aura, péniblement, qu’effleuré l’événementiel. Pour le reste de la troupe écartelée : Royal s’affirme, Strauss-Kahn se contraint, Fabius se gauchise et Lang se fantasme. Un beau Guignol politique à venir avec des coups de bâton bien sentis. L’épilogue vaudra le détour : après l’écharpage en règle, il faudra recoudre pour suivre fidèlement la préférée des militants. Contorsions intellectuelles et sourires jaunes au programme.
A droite, la surmédiatisation de Sarkozy pourrait engendrer un retournement de l’opinion qui s’éparpillerait vers les autres candidats de droite : Bayrou croit encore au miracle d’un centre droit régénéré, de Villiers serine ses trouvailles argumentatives à tel ou tel média qui veut l’entendre et Le Pen s’obstine à vieillir en candidat permanent, espérant un bis repetita de 2002 (il avait prédit un second tour Jospin-Le Pen, voilà un premier flop !)

Vendredi 6 octobre

Capitulation des consciences
Trente sept piges dans les gencives et rien pour s’égayer. (…) je me recentre sur l’actualité terrifiante du moment. Après les caricatures danoises, l’opéra annulé en Allemagne, notre tour est venu : la critique virulente d’un professeur de philosophie engendre une condamnation à mort par des intégristes islamistes.
A-t-on vu une seule manifestation de tous ces musulmans dits modérés pour dénoncer cette atteinte gravissime à la liberté d’expression ? Sûrement pas. La complaisance envers les tarés de l’Islam s’insinue, insidieusement, dans la tête de ces croyants, et la lâcheté de nos politiques, de la plupart des intellectuels au silence assourdissant laisse songeur sur l’étendue de la capitulation des consciences.

Le cher Antoine Sfeir est lui aussi inquiété pour avoir fait paraître, dans Le Figaro, une analyse, certes plus subtile, mais néanmoins sévère (trop au goût de ces groupuscules islamistes) envers une certaine forme d’Islam.
Les mots amalgament-ils trop ? Musulmans, islamistes : quel partage ?
Aujourd’hui notre liberté d’expression est clairement menacée via l’exposition médiatique. Un blog perdu sur la toile pourra sans doute garder sa liberté de ton… jusqu’à ce qu’un excité du choc des civilisations s’en empare pour appeler au meurtre.
Qu’y a-t-il à comprendre dans cette démarche de destruction physique de celui avec qui on est en rupture idéologique ? Rien d’autre qu’un détournement du spirituel prétendu au profit de la barbarie ordinaire.
Etant donné les choix migratoires adoptés pendant des décennies par les gouvernants, nous nous retrouvons avec des ennemis de notre forme de vie, de nos mœurs, de notre civilisation nichés à l’intérieur même du pays, prêts à égorger en cas d’amorce de conflit généralisé en interne, une guerre civile larvée, en somme. La plupart de ces vomisseurs des Etats-Unis gerbent aussi, sans parfois se l’avouer, sur notre propre forme d’existence.
Comment rester subtil sans poser des principes non négociables : le régime laïc qui accorde à chacun une liberté d’expression à laquelle s’attache un droit de réponse, voire une poursuite judiciaire pour diffamation. Mais rien de tout cela ne vaut pour les irrationnels religieux assoiffés de sang d’impies.

Samedi 7 octobre

Ôde à Luter
Découverte d’un univers de sensualité rythmique sur le tournoyant vinyle de Sydney Bechet joué par Claude Luter. Un 33 tours prêté par mon père et me voilà transporté dans ces joyeuses contrées aux courants musicaux.
Je venais d’entrer en jazz : m’esclaffer sans retenue avec Armstrong, suivre les notes fusantes d’Art Farmer, garder le tempo avec Wayne Shorter,
plonger vers les bases au gré d’un Paul Chambers, me laisser caresser par les prolongations vocales de Sheila Jordan, flirter avec les transes dansantes de Herbie Hancock, revenir à du classique transcendé par Helmo Hope, me faire décoiffer la tronche par la bourrasque Jay Jay Johnson, chérir Lou et louer Dolnaldson pour les morceaux endiablés, se laisser aspirer par les dénivellations sonores du Benny Carter pour reposer son rythme cardiaque chez Hank Mobley, avec une rasade de blanches et noires virevoltantes de Thelonius Monk, et la course reprend, frénétique, au son d’US3 avant d’oublier la caisse pour du free Tristano and Marsh, mais Les Mc Lann LTD, en belle embuscade, nous ramène vers de doux tintements, glisser toujours avec les cuivres ravageurs de Stan Kenton ou se laisser habiter par l’harmonie Hutcherson…
Continuer à l’infini pour l’étoile Luter qui m’a ouvert le firmament « charnellisé » du jazz. Sol Lutte Air !
Découverte du dernier Depeche Mode : une musique, un phrasé phonétique alarmiste en phase avec la défroque extrémiste de notre triste temps.
Le Sheaffer glisse pour le plus rude.

Dimanche 8 octobre, 1h20
Je me suis risqué à publier sur mon blog LD pamphlétaire ma Capitulation des consciences. Sans doute que rien ne se passera, sauf si un groupuscule radical de cette religion ne tombe sur ma page. Marre de ne prendre aucun risque. Voilà qui est fait… A l’avis, à la mort par d’extrémistes maures.

23h. Je parcours le Journal de Jules Romain, commencé il y a quelques mois (quatre autres ouvrages en cours !) et me reprends au plaisir du lecteur de diariste. Ces phrases au vif d’une situation, un ressenti en aphorisme brut, un portrait décuplé, les retrouvailles, sous une autre plume que celle de Léautaud, de personnalités littéraires de la fin du XIXe… Tout cela m’incline à y retourner, malgré le plaisir de faire glisser la plume de ce Sheaffer.

Samedi 14 octobre, 1h du mat.
Ma BB veille à la Sauvegarde et moi je titille l’introspection.
Que retenir de cette existence : une douceur quotidienne sans délire mais dans une parfaite harmonie existentielle sans empiètement sur le jardin de chacun. Point d’ambition fondamentale autre que la décence modeste de nos conditions de vie.
Hors quelques émissions, la télé m’emmerde de plus en plus, y compris les films diffusés. Des moments de fidélité, tout de même, avec la pédagogique C dans l’air, l’irrévérencieuse N’ayons pas peur des mots, la fouineuse Madame, Monsieur Bonsoir et la captivante Faites entrer l’accusé. Voilà tout mon univers cathodique. Du pur chiant pour le commun, du régal intellectuel pour moi et quelques autres. Le spectacle préélectoral révèle-t-il un système démocratique dévoyé, davantage porté vers le populisme rampant, sous couvert de rupture généreuse ? Quelques analystes jugent ainsi les tours de piste des deux locomotives médiatiques.

Dimanche 22 octobre, 0h30
De retour d’un très gentil dîner chez M, amie d’enfance d’André (je crois) qui a accueilli la famille B et les valeurs ajoutées au complet. L’info de la soirée : Louise donnera naissance, dans quatre mois, à une fille… Ce jour, autre réunion prévue à Saint-Genis les Ollières pour les noces de diamant de Grace et Humphrey. Pour l’occasion rédaction d’un poème acrostiche sur des événements marquants des décennies en six. Un peu chargé, d’après BB, mais j’assume… pas la première fois que ma plume ne convainc pas dans le milieu familial. Pas ça qui m’inclinera à renoncer un chouia aux richesses langagières.



Dérisoire ? Je sais...
Le jeu politico-médiatique poursuit ses frasques, ses à-coups illusoires, ses semblants de conviction. Cette semaine, premier acte de l’oral télévisé des trois prétendants socialistes.
Chacun s’est essayé à l’équilibre subtil entre savoir se démarquer sans trop s’écarter du programme officiel, ni trop montrer sa haine des deux autres. Des roucoulades, des ronronnements conceptuels et techniques, mais peu d’ouverture de voies nouvelles, décoiffantes, imprégnées d’un projet transcendant.
La voix et les intonations désagréables de Royal s’associaient à un discours se réclamant de la proximité, et pour le coup le nez trop collé à l’accessoire pour vraiment insuffler le renouveau.
L’enveloppe rassurante, et un peu économico-lénifiante de Strauss-Kahn pourrait laisser croire à une stature d’homme d’Etat. Le décryptage au plus près de ses déclarations révèle l’absence d’amplitude des idées qui tournent dans le cercle simpliste de quelques pseudo mécaniques économiques.
Enfin, le transfiguré Fabius, réincarné en révolutionnaire rouge, aux senteurs coco (pas le numéro 5 !) de la plus sovkhozienne époque : bien pour le folklore, pour faire applaudir les militants nostalgiques de la rose mitterrandienne version décennie 80 naissante, mais inconcevable à la tête d’un pays se réclamant du XXIe siècle. Que M. Fabius-Laguiller conserve précieusement son International… dans le formol comme témoignage historique, mais pas comme projet politique, pitié !
A droite on se gausse, mais le bal ne s’annonce pas plus réjouissant : un Sarkozy arc-bouté sur ses ambitions personnelles au détriment des françaises ; un Dupont-Aignan façon blé en herbe qu’il faut laisser mûrir pour apprécier la
sincérité de sa démarche ; un Villepin à l’héroïsme rogné qui se contente d’un attentisme discret ; une Alliot-Marie dont la rigidité semble parfois lui interdire la sphère subtilement subversive du pouvoir présidentiel ; et notre président qui pourrait rempiler... Qui peut croire à la quelconque faisabilité de ce scénario ?
Tableau des protagonistes prêts à dégainer dès que possible. Amen !


Lundi 23 octobre, 23h30
Après L’Ennemi intime et les documentaires sur Mitterrand et VGE, P. Rotman commet un nouveau bijou audiovisuel sur Jacques Chirac. Le premier volet va jusqu’à 1981 et nous croque ce destin d’ambitieux politique insatiable, pris d’affection pour Pompidou, sous l’influence intellectuelle de Juillet et Garaud, puis finalement s’émancipant de ces esprits manipulateurs. Le combat ne cesse jamais avec ce genre de personnage à l’affût de son propre accomplissement. Des débuts précoces en politique, des rencontres décisives, des trahisons de toute part, des relations de l’ombre… enfin tout ce qui peut favoriser son objectif : occuper le premier poste politique.

Jeudi 26 octobre, 23h15
Les médias s’acharnent à mettre au pinacle de l’actualité toute dérive délinquante qui pourrait raviver la flamme barbare de novembre 2005. Encore quelques jours à patienter, et les rédactions pourront se régaler des méfaits en concurrence. En donnant les lieux, les circonstances précises et les conséquences occasionnées, les médias permettent, voire favorisent la surenchère.
Toujours le délicat partage entre le droit à l’information et l’abus médiatique
qui va parfois jusqu’à l’équivalent d’une bavure journalistique : Timisoara, guerre du Golfe, Outreau… Le prétexte de l’information ne peut tout autoriser : en l’espèce, les cohortes de racailles en mal de reconnaissance ont trouvé des complices efficaces pour assurer la publicité gratuite de leurs salauderies.
Demain soir, nous accueillons maman et Jean de retour de Fontès.
Une première cette année : ma grand-mère ne s’est pas manifestée pour mon anniversaire. Le temps file trop vite…

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